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Devenez Mécène de la Fondation

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Land & Language Agnès Thurnauer

Vernissage le jeudi 16 janvier, 18:00 – 21:00
Commissaire : Nathalie Guiot

La Fondation Thalie a le plaisir de présenter Land & Language, série de peintures d’Agnès Thurnauer débutée en 2016 et composée de quatre variations. Ces œuvres éminemment politiques sont inspirées par la crise migratoire à laquelle nous sommes confrontés. « J’ai été très marquée par ces images de franchissement… La frontière est un lieu de crise. C’est aussi le passage d’une langue à une autre », confie l’artiste dont l’œuvre toute entière est affaire de perméabilité et de dialogue entre les médiums, entre le texte et l’image, entre le figuratif et le conceptuel.

Land & Language fait écho à la grande peinture d’histoire au sein de laquelle les anonymes ont pris la place des héros. On pense au Radeau de la Méduse de Théodore Géricault dont la composition en diagonale semble avoir inspirée celle de Land & Language ou encore à Guernica de Pablo Picasso qui, en 1937, délaisse la problématique du peintre et son modèle dans l’atelier pour se consacrer à la peinture politique. L’irruption de l’actualité dans le champ pictural enregistre les soubresauts de l’Histoire dont l’artiste se fait la traductrice, incarnant les tensions physiques et symboliques à l’œuvre. Survient alors un « tableau de crise » à la seconde puissance : la peinture qui est un surgissement permanent, révèle dans son élan un monde en crise.

Sur une toile de très grand format, une imbrication chaotique de bras et de têtes d’hommes et de femmes forme une chaine de solidarité sans début ni fin. Ce chaos humain pourrait faire écho à celui de la terrible série noire de Goya qu’Agnès Thurnauer cite volontiers. «Cette série très puissante est formée de blocs d’images qui semblent avoir été comme découpées au ciseau et qui se télescopent», souligne t-elle. Cette sensation de télescopage se retrouve dans Land & Language. Le travail de découpe des formes très matissien et la fluidité du trait font émerger des blocs et des océans de couleur qui s’entrechoquent comme sous l’effet d’un cataclysme. Les couleurs pures, appliquées directement sorties du tube et les contrastes souvent stridents participent de même à traduire la violence de la situation des migrants mais aussi la pulsion de (sur)vie qui est à l’œuvre dans cette quête vers un monde meilleur. Il s’en dégage une énergie incroyable. On distingue notamment dans cette foule anonyme en transit, le bras levé d’une femme, cet élément iconographique du soulèvement qui fascine tant le philosophe Georges Didi-Huberman, tel aussi un lointain écho à la fameuse Liberté de Delacroix, le lyrisme en moins. Pour autant, aucune identité distincte ne s’affirme. Les corps deviennent des pays, des territoires à part entière. Traversée par de multiples tensions, la toile se transforme en une immense carte géographique en voie de recomposition.

Les tableaux construits sur une trame de mots écrits par le poète anglais Rod Mengham, participent à créer une cartographie mentale au sein de la peinture. Chez Agnès Thurnauer, le langage est pourvoyeur d’espace.

Dans son œuvre sculpturale Matrice constituée de moules de lettres de l’alphabet, les corps sont amenés à circuler dans un espace à la fois physique et symbolique. Dans l’espace morcelé de Land & Language, l’intégration de mots entre et dans les corps transforme la toile en un territoire mental dense et complexe. Les mots sont comme extraits de la chair et redeviennent conceptuels. Ils traversent et brouillent les frontières. « La migration pose la question des corps et du langage, explique l’artiste. Quand on se déplace, on transporte aussi sa langue. Les corps deviennent les limites politiques et symboliques de la langue ». C’est ainsi que se trouve posée la question de l’identité et de la culture. Qu’emporte-t-on avec soi lors d’un exil ? Que reste-t-il de notre identité passée ? Comment « migrons »-nous d’une langue à une autre, d’une culture à une autre ? Quelles peuvent être les limites à ces mouvements ? Dans le dernier tableau, les océans ont envahi la géographie de la toile et les mots de la langue forment une seule cartographie possible. Une petite Prédelle vient ponctuer l’ensemble : il s’agit du mot BORDER qui se déploie sur deux formats, changeant de couleur quand on passe d’une syllabe à l’autre.

Dans ses œuvres, Agnès Thurnauer suggère souvent combien c’est par le dialogue et les interactions que le monde advient. Et si la langue sépare les êtres, elle est aussi vecteur de liens. Migrer vers une autre culture peut s’inscrire dans un mouvement d’ouverture à l’Autre et de (re-)construction de Soi. Synonyme de déchirure et d’abandon, parfois de repli sur Soi, l’exil implique conjointement la possible conquête d’un nouveau monde et d’un autre Soi. Et c’est bien là, en filigrane, ce que Land & Language nous invite à penser : une identité élargie et enrichie, transfrontalière, plurielle et multi-culturelle.

Pauline Vidal

Agnès Thurnauer est une artiste franco-suisse. Autodidacte en peinture, elle a reçu une formation
de cinéma vidéo à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs à Paris. Son travail aborde la question du langage pictural, et met en œuvre un espace où la figuration et l’abstraction dialoguent pour donner naissance à de nouvelles visions. Écriture, matière et cadrage sont autant de couleurs pour sa palette de peintre. Son travail récent en volume est une extension de ce langage pictural en trois dimensions : comme dans ses tableaux, le regard circule entre les formes des lettres pour géné- rer à chaque fois de nouvelles lectures. Pour Agnès Thurnauer, c’est autant « le regardeur qui fait le tableau » que le tableau qui fait le regardeur. Son œuvre active cette interface vivante – cette lecture réciproque- entre l’art et le spectateur. Agnès Thurnauer a exposé dans des musées et centres d’art internationaux (Centre Pompidou, Palais de Tokyo, CCCB Rio, SMAK Gent…). Ses œuvres font partie de nombreuses collections privées et publiques. Agnès Thurnauer est représentée par la Galerie Michel Rein (Paris-Bruxelles) et la Gandy gallery à Bratislava.

Informations pratiques
Exposition du vendredi 17 janvier au dimanche 8 mars 2020
Du mercredi au dimanche, de 14:00 à 18:00
L’exposition sera exceptionnellement fermée samedi 18 et dimanche 19 janvier 2020